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La philosophie après la classe

15 novembre 2013

Correction : Y a-t-il une différence essentielle

Correction : Y a-t-il une différence essentielle entre l'artiste et l'artisan ?

 Il semble évident que l'artiste n'est pas l'artisan, sans quoi le langage ne les distinguerait pas. Pourtant l'histoire nous apprend que la distinction est récente, et n'existait à peu près pas avant le XVIIIème siècle. Doit-on dire alors qu'il ne s'agit que d'une différence minime, que l'artiste et l'artisan sont deux formes voisines de métiers de l'art ? Ou bien la différence entre eux est-elle définitive et insurmontable, concernant l'essence même de leur activité ?

 

 

  On peut dire d'abord que l'artiste et l'artisan appartiennent à une même catégorie générale, et que les différences entre eux sont négligeables.

  L'antiquité, d'où les mots nous viennent, ne distinguait pas entre artiste et artisan, relégués tous deux dans le monde des techniciens. Artistes et artisans sont pour les grecs des techniciens, des hommes qui exploitent un savoir-faire technique pour produire un certain type d'objet. Peu importe que l'artiste cherche à émouvoir, l'important dans son activité est la dimension technicienne qui fait de lui le frère de l'artisan. Si la langue moderne nous a appris à distinguer l'artiste et l'artisan, la différence ne peut concerner l'essence même de l'activité.

  Ensuite on sait bien qu'un artiste n'est souvent qu'un artisan exceptionnel, que l'artisan finit sa formation par la production d'un « chef d’œuvre », et qu'un pâtissier créatif et audacieux peut être qualifié à bon droit de véritable artiste. Entre l'artiste et l'artisan il n'y a aucune différence essentielle mais une simple variation de degré. L'apprenti qui prépare les couleurs dans l'atelier de Rubens est un artisan, mais un bijoutier génial comme l'était Lalique est incontestablement un artiste.

  Finalement il faut dire que l'artiste et l'artisan, loin de s'opposer par essence, ont entre eux une parenté profonde, attestée par l'étymologie et qui survit aujourd'hui.

  Pourtant n'oublie-t-on pas ainsi ce qui fait le propre de l'artiste et qui l'éloigne définitivement de toute espèce d'artisan : la beauté ?

 

 

  On doit dire en effet que l'artiste, à la différence de l'artisan, a pour souci essentiel la création de la beauté. C'est pour cela qu'on parle depuis le XVIIIème siècle des Beaux-arts comme du domaine propre aux artistes.

  L'artisan peut bien chercher à produire un travail soigné et esthétiquement plaisant, mais son but premier est de produire un objet utile, qui puisse servir et réaliser au mieux sa fonction. Pour lui la recherche de la beauté est un trait accidentel de son activité et non pas essentiel. Une table reste une table même si elle n'est pas belle. Au contraire une œuvre d'art cesse d'appartenir au monde de l'art si elle reste étrangère à la beauté.

  C'est que la beauté artistique se distingue de la simple harmonie des formes en ce qu'elle est créatrice. L'artisan peut bien veiller au fini de son objet, mais l'artiste seul est capable d'inventer un nouveau genre de beauté, de créer une nouvelle sorte de beauté.

  On peut donc dire qu'il existe bien une différence essentielle entre l'artiste et l'artisan, concernant la beauté des œuvres produites.s

  Pourtant l'art contemporain nous a appris à parler d'art même là où tout souci de beauté semble être absent. Cela signifie-t-il que l'artiste et l'artisan se confondent dans le monde moderne ?

 

 

L'art contemporain vient brouiller la grande différence entre l'artiste et l'artisan. Il reste bien des différences entre eux, mais aucune ne peut prétendre valoir comme une différence essentielle

  De nombreux artistes en effet ont critiqué la tyrannie de l'exigence de beauté, comme Duchamp qui revendique une plus grande liberté pour l'art. Il expose ainsi en 1917 son œuvre « Fontaine », une pissotière blanche qui est un défi aux canons de la beauté artistique.

  Le problème d'une différence essentielle entre l'artisan et l'artiste doit donc être posé à nouveaux frais, une fois dit que la recherche systématique de la beauté ne concerne pas tous les artistes contemporains. Mais la diversité des œuvres contemporaines semble interdire de relever un critère unique capable de distinguer l'artiste de l'artisan. L'artiste semble être plus insaisissable que jamais, et ne sachant plus au juste ce qu'est un artiste, il est impossible de savoir s'il se distingue essentiellement de l'artisan. Peut-être pourrait-on dire que la différence essentielle tient à ce qu'on peut définir un artisan, mais qu'un artiste est par nature indéfinissable.

 

 

Finalement on doit dire que, malgré une proximité évidente, l'artiste et l'artisan ont été séparés essentiellement à une certaine époque, qui s'étend à peu près du XVIIIème au XXème siècle, par le critère de la rercherche systématique de la beauté. Mais cette différence s'évanouit au XXème siècle avec le surgissement de l'art contemporain. Si artiste et artisan ne se confondent pas, on ne peut dire aujourd'hui qu'une différence essentielle repérable les distingue clairement.

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