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La philosophie après la classe

correction texte pascal

CORRECTION DE COMMENTAIRE DE TEXTE : PASCAL PENSEE (n°47, 168)

 

 

Ce texte est extrait des Pensées du philosophe Pascal, et traite du rapport entre le bonheur et le temps. Pascal cherche à montrer que l'homme est une créature misérable qui a besoin de Dieu pour vivre. Dans ce texte l'auteur pointe du doigt un paradoxe de la nature humaine : l'homme cherche le bonheur mais se condamne en même temps lui-même à ne jamais l'atteindre, en fixant son attention sur le passé et l'avenir plutôt que sur le présent. L'homme laisse ainsi échapper sa seule chance d'être heureux en négligeant le présent, préférant ruminer le passé ou rêver à un avenir incertain. C'est ce paradoxe que Pascal met ici en lumière, en commençant par décrire le rapport de l'homme au temps (l.1à 8), puis en tentant de donner des raisons de cette situations (l.8à 15), enfin en tirant les conséquences radicales qui s'ensuivent concernant la condition humaine.

 

    Pascal souligne d'abord l'inconstance des hommes : ils sont changeants, variables et instables. L'homme passe sans cesse outre ses limites naturelles. Ainsi sa vie s'écoule au présent, mais son esprit le distrait de l'instant qui passe. C'est que l'homme est impatient de ce qui va venir, et voudrait toujours que le temps s'accélère. Il est plein de projets, et la réalisation de ses souhaits est toujours devant lui. Chacun pense alors à l'avenir « comme pour hâter son cours »(l.3), c'est à dire que  penser à l'avenir c'est anticiper sa venue, c'est d'une certaine manière le faire arriver, le tirer à soi.

    Mais l'homme n'a pas seulement les yeux fixés vers l'avenir, il ne cesse également de rappeler le passé, comme pour le retenir. On se souvient des moments heureux, on les regrette, on tente de les faire revivre. On ne veut pas oublier, on s'impose des devoirs de mémoire. Le même temps qui tardait à faire venir l'avenir passe trop vite lorsqu'il s'agit d'emporter nos souvenirs.

    Seulement cette attitude humaine qui consiste à fixer son attention sur la venue et la fuite du temps nous empêche finalement d'être attentifs au présent, ce temps qui est « le seul qui nous appartient » (l.6), parce que c'est le seul qui nous concerne véritablement, le seul qui est réel. L'avenir en effet n'est pas encore et le passé n'est plus, seul le présent existe vraiment, et il ne peut y avoir pour Pascal de bonheur véritable qu'au présent. L'homme est donc décrit comme errant hors de chez lui, comme un spectre, loin de ce qui lui appartient, loin de la réalité. Et Pascale retrouve ici le thème de la vanité de l'homme, de sa ridicule insuffisance et des contradictions de sa nature : une créature qui pense à ce qui n'existe pas et oublie de penser à ce qui existe, qui pour être heureux s'éloigne du présent alors que seul ce présent pourrait voir surgir le bonheur.

 

Y a-t-il une raison à cette absence, à cette manière paradoxale de fuir la réalité au nom d'un bonheur impossible et illusoire ? Pour Pascal il y a bien une raison, c'est la dureté du présent, le fait qu'il s'oppose à nos souhaits, qu'il « nous blesse » (l.9). Ce qui est devant nous ne nous satisfait pas, c'est pourquoi nous plongeons notre attention dans le passé ou l'avenir, c'est à dire ailleurs, loin de la réalité que l'on refuse toujours. Penser au passé ou à l'avenir, c'est en réalité dissimuler le présent, l'oublier « parce qu'il nous afflige » (l.10). L'homme n'est pas heureux, le monde s'oppose trop à ses souhaits.

    Mais même si le présent est favorable l'homme trouve matière à regret, car alors il se plaint de ne pouvoir prolonger l'instant heureux. L'amoureux voudrait arrêter le temps, et c'est tristement qu'il voit les heures joyeuses défiler trop vite devant lui.

    La pensée de l'avenir sert alors à « soutenir » (l.12) un présent insatisfaisant. On excuse les malheurs présents au nom des bonheurs futurs, on justifie le malheur présent en insistant sur son caractère transitoire : il ne durera pas toujours, le bonheur arrivera bientôt. La pensée de l'avenir aide à supporter le présent, mais Pascal semble ne pas trancher pas sur un point : ce réconfort est-il nécessaire à une existence malheureuse par nature, ou bien est-il le propre de certains hommes particulièrement lâches et incapables d'affronter la réalité ? En réalité cette condition est pour l'auteur celle de tout homme tant qu'il est privé du soutient de Dieu. Ce n'est pas la faiblesse d'un homme en particulier qui lui fait détourner les yeux du présent, c'est la faiblesse de la nature humaine dans son ensemble, faiblesse qui paraît bien en ceci que l'homme s'occupe de choses qui ne dépendent pas de lui (puisque l'avenir est toujours incertain, que l'on peut mourir, que des événements peuvent changer les choses, etc.)

 

   Pascal interpelle ensuite le lecteur, insistant par là sur l'universalité de sa thèse. C'est bien la nature humaine qui est visée dans sa description, et non tel caractère particulier. Chacun se détourne du présent et ne pense qu'au passé et au futur. Si l'on pense au présent, ce n'est jamais pour lui-même, pour en jouir simplement, mais pour tirer des informations concernant nos projets d'avenir. C'est là que Pascal précise où est pour lui le noeud du problème : « Le présent n'est jamais notre fin […] le seul avenir est notre fin » (l.20-21). Ce n'est finalement pas tant le fait que nous nous détournions du présent qui pose problème, puisqu'il nous arrive tout de même d'y être attentif, c'est que nous considérions l'avenir comme l'essentiel. Nous misons notre vie sur quelque chose qui n'existe pas encore, qui est incertain par nature, qui peut ne jamais se réaliser.

    Mais surtout nous remettons sans cesse notre bonheur au lendemain. Notre condition étant trop difficile à supporter, notre grand refuge est l'espoir. Nous nous replions dans nos rêves, nous nourrissons sans fin des projets sans lesquels la vie nous semblerait insupportable. L'homme ne peut vivre sans espoir, mais cet espoir, étrangement, est ce qui l'interdira toujours d'être heureux. Il y a là un cercle vicieux : l'homme, étant malheureux de son état, se réfugie dans l'avenir. Mais ainsi occupé à un temps imaginaire, il ne peut plus être heureux au présent, et donc ne peut plus être heureux du tout. C'est le remède au malheur qui rend le malheur impossible, comme un médicament qui ferait fuir la maladie mais empêcherait en même temps la guérison. L'homme se condamne lui-même à ne jamais être heureux en s'attachant à l'avenir.

 

    Pascal fait finalement dans cet extrait le procès de l'espoir. Le bonheur ne peut consister à espérer. Il y a bien une joie à faire des projets d'avenir, mais c'est une joie fausse, hypocrite, lâche. Seulement si d'autres philosophes considèreront que le bonheur est possible au présent, pour Pascal c'est notre nature qui nous pousse vers l'avenir. C'est la nature humaine qui est essentiellement corrompue et qui cherche toujours à se détourner d'un monde qui lui est fondamentalement hostile. C'est du fait de cette inadéquation de l'homme et du monde que, comme l'écrit Pascal : « nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre » (l.22). L'espoir est à la fois notre meilleur échappatoire face au monde, mais il est aussi, en tant qu'il nous éloigne du présent, la source d'une véritable impossibilité d'être jamais heureux. A la fois remède et poison, l'espoir est finalement cette tension vers le bonheur qui rend le bonheur impossible.

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